AUTORITE ET GESTION DU POUVOIR DANS LA PENSEE NICOLAS MACHIAVEL: Deuxième partie

Publié le par christophebani.over-blog.com

Pouvoir conquis par usurpation ou scélératesse

 

Cette forme du pouvoir développe le banditisme criant, la criminalité, la perfidie, la méchanceté noire. Machiavel de noter : « ces manières-ci sont quand ou par quelque moyen scelleras et criminel ou monte à la principauté ou quand un simple citoyen par la faveur des autres citoyens devient seigneur  de son pays. Nous remarquons que ce pouvoir est tout à fait éphémère. C’est lorsque, comme Machiavel fait-il remarquer ou interroger « d’où procédait qu’Agathocle et autre semblables après d’infinis trahisons et cruautés, purent vivre longtemps en sûreté dans les pays et se défendre des ennemis extérieurs, sans que leurs citoyens conspirassent contre eux ; vu que plusieurs autres n’ont jamais pu de maintenir en leur Etat même en temps de paix (…) je crois que cela vient de la cruauté bien ou mal employé. On peut appeler bonne cette cruauté si l’on peut dire y avoir du bien ou mal ».

 

Pouvoir conquis par coup d’Etat ou soulèvement

 

Il existe un quatrième moyen de conquérir le pouvoir que préconise le florentin. Ce mode de conquête du pouvoir ne demande pas grand-peine à y parvenir mais moins nombreux à y rester. L’auteur n’affirme-il pas que nul ne peut s’émerveille si, parlant des principautés entièrement, il allègue de très grands exemples ; car puisque les hommes marchent quasi par les chemins frayés par les autres, qu’ils se gouvernent en leurs fait par imitation.

 

Cette forme de pouvoir est issu de la rébellion au soulèvement à base de force des armes et militaires ou tout simplement périr  le détenteur du pouvoir.

 

1.2.4. Pouvoir conquis par domination de volonté et par principat civil

 

Pour le florentin, rien n’est d’étonnant s’il évoque cette méthode. Il est fort possible de conquérir le pouvoir par une séduction naturelle des sujets. Aussi un citoyen peut devenir prince de son Etat non pas par perfidie ou autre violence détestable mais par la faveur de ses compatriotes. Le prince doit toujours maintenir en amitié ce qui lui sera bien facile à faire, le peuple ne demandant autre chose sinon de ne point être opprimé. C’est ainsi que toutes les bonnes actions du prince seront applaudies et cela lui permettra d’avoir une grande influence de domination de volonté sur le peuple. Pour Machiavel, on s’élève à ce principat soit par la faveur du peuple, soit par celle des grands.

 

En outre, Machiavel observe qu’un prince ne peut jamais se protéger entièrement d’un peuple d’une hostilité remarquable. Mais le pire qui puisse attendre un prince d’un peuple ennemi, c’est l’abandon. Un prince est contraint de vivre toujours avec le même peuple ; mais rien ne l’oblige à garder les mêmes nobles, puisqu’il peut en faire et en défaire chaque jour, donner et enlever les titres selon son bon plaisir.

 

Poursuivant cette même idée, jamais le prince ne se trouvera trompé par le peuple. Alors il aura la preuve qu’il avait bâti sur des solides fondements.

 

1.2.2. Le maintient du pouvoir

 

Se maintenir au pouvoir, Machiavel persuade que ce n’est pas une mince affaire. Il est de l’obligation d’un prince qui vient de conquérir le pouvoir de multiplier mille et une stratégies pour y demeurer longtemps. Se méfiant de l’Etat de nature humaine, le prince doit à temps et à contre temps chercher à gagner le peuple, et, l’auteur d’écrire : « car on peut dire généralement une chose de tous les hommes qu’ils sont ingrats, changeants, dissimilés, ennemis du danger, avides de gagner, tant que tu leur fais du bien, ils sont à toi ; ils t’offrent leur sang, leurs biens, leur vie et leurs enfants quand le  besoin est future ; mais quand le danger approchent ils se dérobent. Et le prince que s’est fondé seulement sur leur paroles, se trouve tout nu d’autres préparatifs, il est perdu ; car les amitiés qui s’acquièrent avec argent et non par cœur noble et hautain, on mérite bien d’en éprouver l’effet (…)».

 

1.2.2.1. Le primat de la force et des lois 

La force est ce qui demeure, persiste et préside au commandement d’un Etat. Mais un prince doit savoir que la force est l’attribut essentiellement de la puissance. Car la force fonde l’ordre, elle est le manifeste de la raison dernière au commandement qui exige le respect de celui-ci. 

Etant donné la nature versatile de l’homme, il est du devoir du prince de toujours combattre de deux façons : l’une par la force et l’autre par la loi. La première est l’apanage de bête et le second est le propre de l’homme. Mais vu l’inefficacité et l’insuffisance de la seconde, un prince digne de son nom doit toujours recourir à la première. Autrement dit, pratiquer la bête et l’homme. En ce sens, le prince n’est pas contraint d’être bon, puisque craignant la nature corrompue de la société à laquelle il gouverne. Celle-ci peut lui apporter un mauvais sort. Ce qui revient à signifier que le chef doit afficher deux attitudes de gouvernance et jouer à l’entre-deux : en demi-bête et demi-homme. C’est le bien de l’esprit du prince.

 

Le prince doit appliquer la force symbole du lion et la ruse symbole du renard, c’est-à-dire, il doit être cruel et dissimulateur. Etant  donné que les hommes généralement portent un verdict assez plus aux yeux qu’aux mains. C’est ainsi que notre auteur note : « tout le monde voit  bien ce que tu sembles, mais peu ont le sentiment de ce que tu es ; et ce peu là n’osent contredire à l’opinion du grand nombre. 

Il n’est certes pas évident à un prince d’avoir toutes ces qualités, mais il doit paraître les avoir. Ce dernier doit se montrer politique et apolitique. La force est mal au même titre que la folie de grandeur. Puissance et mensonge sont deux aspects du mal politique. Machiavel estime que le prince qui pénètre cette vérité, il commence à prendre le trône à l’instant, même où il viole les lois, où il s’écarte des anciennes institutions, et où abolissent les coutumes sous lesquelles les hommes sont accoutumés de vivre.

 

1.2.2.2.    Deux périls : la haine et le mépris 

Le prince doit s’attaquer à deux attitudes périssables : être haï et être méprisé. Le prince doit fuir les choses qui font tomber en haine et mépris. Et, il ne faillira point en cet endroit, il, aura bien besogné et ne se trouvera point en danger par les autres mauvais renoms. Sur toute chose, ce qui fait le plus haïr (…) c’est de piller les biens et prendre à force les femmes de ses sujets. Autrement dit, le prince doit s’attirer d’estime de ses sujets afin de se maintenir longtemps au pouvoir.

 

1.2.2.3. Estime d’un prince 

Le secrétaire de Florence pense que la libération et le retour de la paix, et la sécurité se fait lorsque le prince est persuadé du primat de la force, la ruse, la vertu, la fortune et la présence d’une armée militairement forte. Les éléments essentiels pour le maintien de l’ordre. Ce n’est qu’à ce prix que le prince peut acquérir de l’estime. Machiavel s’exprime à ce sujet en ces termes : « il n’y a rien qui fasse tant estimé un prince que parachever hautes et magnanimes entreprises et de donner de soi exemples dignes de mémoire». En d’autres mots, il revient au prince de plaire au peuple par ses prouesses. L’une, c’est la guerre devenue métier et toujours réussir. C’est l’aubaine pour le prince de se faire aimer. Et Machiavel de dire : « je sais bien que chacun confessera que ce serait chose très louable qu’un prince se trouvât ayant de toutes les susdites qualités celles ne se peuvent toute avoir ni entièrement observer à causes que la condition humaine ne le permet pas, il lui est nécessaire d’être assez sage qu’il sache éviter l’infamie de ses vices qui lui feraient perdre ses Etats (…)». Il est pour cette cause que le prince doive entretenir la politique de bon voisinage. Il est en même temps passif en même temps dur afin que les sujets puissent tourner vers lui. 

En outre, il est digne d’un prince de convertir et/ou de découvrir le mal sous-jacent par une attitude bienfaisante. Il doit mener les actions qui suscitent des acclamations, des éloges et éviter les sentiments de répugnance. La démagogie doit faire route avec la ruse à condition qu’elle ne soit pas remarquable. Ainsi le prince doit-il se faire considérer toujours et en tout lieu comme un homme de bien et de principe. Bref, il est censé être un homme aux multiples qualités pour se faire estimer de ses gouvernés. C’est pourquoi, conclut notre auteur à part les choses qu’on a imaginé pour un prince et discourant sur celles qui sont vraies, « je dis que tous les hommes, quand on parle, et principalement les princes (…) on leur attribue une de ces qualités qui apportent blâme ou louange, c’est-à-dire, qu’il sera tenu pour libéral, un autre pour ladre.

 

La ruse 

La ruse renvoie à l’image du renard a-t-on dit. Elle est un des atouts majeurs que doivent observer le prince pour régner belle lurette sur ses gouvernés. La ruse en politique est nécessaire car elle joue un rôle de contrôlabilité de la gestion du pouvoir intrinsèque afin de mener à bon port les actions politico-administratives. La profitabilité de la ruse est due en raison de la nature humaine facilement manipulable et apprivoisable. 

Par delà l’observation faite par Machiavel aux différentes politiques de son temps, fait-il constant, étant donné que l’homme se laisse prendre par les duperies, trouvant la panacée, le secrétaire florentin exprime à ce propos, il est besoin de savoir colorer cette nature, bien feindre et déguiser ; et les hommes sont simples et obéissant tant aux nécessités présentes, que celui qui trompe trouvera toujours quelqu’un qui se laissera trompé.    

En outre, il est à savoir que la ruse vient s’ajouter à la force et aux armes pour un exercice commode du pouvoir. La ruse est un arsenal aussi efficace pour le maintien du pouvoir. C‘est pour cette cause Machiavel valorise la ruse que la religion. Aussi sera-t-il qualifié d’amoral ? Répond Michel Senelart, en abordant en ce sens, Machiavel semble accorder moins d’importance à la religion au profit de l’apologie de la ruse. C’est autant pour cette raison que beaucoup ont jugé toute sa pensée politique pleine d’amoralité ; la réduisant ainsi au machiavélisme, une discipline qui préconise et justifie la fin par les moyens. Et, Weibel d’ajouter, Machiavel est le politique qui préconise surtout une religiosité toute païenne, réaliste et combative qui prône à son tour le culte de la force et de victoire. 

 

La guerre et les armées républicaines 

La nouveauté de la démarche de Machiavel qui considère la guerre non pas sous un angle éthique et juridique, mais aussi sous celui de la seule logique de la puissance de régner sur ses sujets. L’art de la guerre et l’art militaire montrent la primauté de la force, condition sine qua none et évidente d’une bonne organisation et la gestion sociétale. Le lien entre le conflit et la guerre justifie celle-ci comme la philosophie, c’est-à-dire, « examen rationnel des choses nécessaires ». Autrement dit, la guerre est la matrice étacentrique qui sert à maîtriser la nature animale (violente) de l’homme car elle est vue comme régulateur des Etats conflictuels. 

En ce sens, l’art de la guerre relève de la vertu,  nouvel ethos de la politique entendue comme courage d’affronter l’adversité, non seulement dans la défense mais aussi et surtout dans l’attaque. D’où, la guerre n’est sans doute que cette manifestation de l’inimitié et la mésintelligence naturelle qui dresse les uns contre les autres indifféremment, les gouvernés et les gouvernants. Un prince donc ne doit avoir autre objet ni autre pensée, ni prendre autre matière à cœur que le fait de la guerre et l’organisation et disciplines militaire ; car  c’est le seul art qui appartienne à ceux qui commandent. En revanche, on voit que quand les princes  ne se sont plus adonnés aux voluptés qu’aux armes, ils ont perdu leurs Etats. Cette science politique se radicalisant alors en une anthropologie de la férocité, ce qui fait de François Sforza un paradigme de guerrier par excellence. Car la principale chose qui peut faire perdre, c’est de ne tenir compte de cet art, et la cause qui fera gagner d’autres, c’est  d’en faire métier. 

L’anthropologie de la férocité empruntant à une zoologie qui renaître l’homme plutôt que de le dénaturer. D’après Machiavel, le prince ne doit jamais ôter qu’il doit tenir ses gens en bonne discipline, il convient qu’il hante la chasse, et par ce moyen aguerrisse son corps et l’endurcissement à la peine, et en même temps apprenne la nature des lieux, et à connaître comme s’élèvent les montagnes, comme débouchent les  vallées, comme les plantes s’étalent, et à savoir la nature des rivières, et des marécages, et en cela mettre un très grand soin.

 

Cela conduit entre, à une requalification de la « guerre juste » du point de vue strictement politique à ceux qui le font. Le prince qui n’est point expert en cette partie, n’a pas la première et la principale vertu que doit avoir un bon capitaine ; car  c’est elle qui enseigne à trouver l’ennemi, établir les cantonnements, conduire une armée, la mettre en ordre de bataille, prendre l’avantage au siège d’une ville. La profitabilité de cette condition se fait de deux façons : en premier lieu, apprendre à connaître son pays et pouvoir mieux savoir comment il faut défendre. En second lieu, avoir bien la connaissance  pratique de ce paysage. 

 

1.2.2.6. La fonction de la guerre 

Si les hommes sont incapables de s’aimer, l’union civique suppose l’ennemi extérieur ici et maintenant ou virtuel, ce qui porte atteinte à la santé de l’être ou de l’organisation commune de la société. 

Accusé de l’anti-politique et anti-social, Machiavel pense que la guerre doit se faire par la raison, car elle est à la fois un produit nécessaire de nos passions et en même temps elle est une solution rationnelle aux conflits qui s’élèvent au sein de la société lorsqu’il y a la guerre de tous contre tous, les injustices, les égoïsmes qui ont été trop longuement délaissés à eux-mêmes. 

La normative de la guerre 

Machiavel estime que l’exercice de la guerre doit se faire en deux typologies : l’une par l’esprit et l’autre par les œuvres. L’esprit est en sa guise le principe d’efficacité. Par conséquent, les œuvres joignent l’idée de la méfiance.

 

Quant à l’esprit, le prince doit lire les histoires et en celle-ci considérer les actions des excellents personnages, voir comment ils se sont gouvernés en guerre, examiner les causes de leur victoire ou défaite, pour fuir celles-ci et suivre celles-là ; et sur toute chose, il doit faire comme quelques hommes du temps passé, qui se proposaient d’imiter un personnage de grand renom, ayant toujours sa vie et chronique auprès de soi, comme on dit qu’Alexandre le Grand imitait Achille. Le principe d’efficacité exige au prince que la guerre doit se faire en courte durée sans entraîner les pertes de vies humaines. Machiavel damne contre les longues guerres qui ne permettent pas aux gens de réjouir. 

Quant aux œuvres, un prince sage doit observer les normes de la guerre, et n’être jamais distrait en temps de paix, mais pendant ce temps amasser un capital d’arsenal auquel il se puisse résister en l’adversité de peur que quand la fortune tournera le dos, elle le trouve prêt à résister à sa furie. Ce deuxième principe permet au prince de na pas user des mercenaires d’autres armées car ceux-ci peuvent entraîner sa chute. 

Par ailleurs, Machiavel pense que les véritables armées sont les forces, celles composées des citoyens natifs du pays. Ces sont donc les armées républicaines. Toutes les autres espèces sont mercenaires ou auxiliaires. Celles-ci peuvent entraîner la décadence de l’Etat et du prince.

 

1. 3. Conclusion 

Dans le parcours de ce chapitre, nous avons dégagé ou ressorti à partir des œuvres de Machiavel notamment «Le  Prince », la conception du pouvoir et les conditions éventuelles de conquête et de conservation dudit pouvoir. De ce fait, l’ensemble de la pensée politique de Machiavel trouve soubassement sur l’exploitation bon gré mal gré de la force. Le pouvoir est action, commandement tant bien que mal et une domination ipso facto sur les sujets. L’usage de la force concourt à l’édification, à l’épanouissement pour la gestion de la société, des sujets et la raison d’Etat. Machiavel, par le biais de l’esprit estime crucial, que le prince doit s’adapter à toutes les circonstances éventuelles lors de l’exercice du pouvoir. Il s’est avéré que selon Machiavel, le pouvoir est conquis de mille et une façons à savoir par un hasard heureux ou un fait naturel, malheureux, par les armes républicaines, la vertu et la fortune, par usurpation ou scélératesse, par coup d’Etat ou soulèvement et par domination de volonté que par principat civil. 

Pour se maintenir au pouvoir, tout prince doit chercher à asseoir son pouvoir sur la force et les lois ; tout en évitant la haine et le mépris. Le prince doit promouvoir la ruse devenue métier, la guerre et les armées  républicaines à cause de la nature métaphorique de l’homme. Il est pour tout dire, tenu susciter, provoquer des tensions aux voisins et faire la guerre afin de se faire un grand renom et s’attirer de l’estime de ses gouvernés et de se rendre toujours incontournable, irréfutable, sollicité par la société

 

 

 

Ib. , p. 61.

Ib. , p. 66.

Ib., p. 36.

Ib. , p. 48.

Ib. , p. 51.

Ib. , p. 52-53.

Ib., p. 22.

N. MACHIAVEL, Le Prince, p. 128.

Ib.

N. MACHIAVEL, Discours sur la première lettre de Tite-Live, 1516, III. 5.

N. MACHIAVEL, o. c, p. 123.

Ib., p. 153.

Ib., p. 153.

Ib., p.10.

N. MACHIAVEL, o. c, p. 124-125.

M. SENELART, Machiavel et Raison d’Etat, Paris, PUF, 1989, p. 12.

E. WEIBEL, Machiavel, Biographie politique, Fribourg, Edition Universitaire, 1989, p. 203.

N. MACHIAVEL, o. c, p. 102.

Ib. , p. 102.

Ib. , p. 104.

N. MACHIAVEL, L’art de la guerre, Paris, Flammarion, 1992, p.6.

Ibidem.

N. MACHIAVEL, o. c, p. 106.

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